Propositions de Max Havelaar pour un revenu plus équitable des agriculteurs
Max Havelaar France, ONG de commerce équitable, publie ses propositions pour contribuer à la sortie de crise : élargir son label à de nouvelles filières, nouveau logo produits français, appel aux collectivités locales pour construire des réponses concrètes et immédiates à l’insécurité des revenus agricole via des alliances entre territoires, acheteurs publics et consommateurs.
Téléchagez le communiqué de presseLa mobilisation des agriculteurs en France et dans plusieurs pays européens met en évidence les problèmes de fond qui avaient déjà provoqué, il y a de cela 40 ans, la création des mécanismes du commerce dit « équitable ». Ils se nomment manque de reconnaissance des métiers agricoles, humiliation dans la négociation, conditions de travail et de vie difficiles, insécurité de revenu et prix trop bas. Dans la crise actuelle, les mécanismes équitables peuvent être une réponse, en France, aux revendications des agriculteurs. A quelques jours de l’ouverture du Salon de l’Agriculture, l’ONG Max Havelaar France présente ses propositions concrètes pour changer la donne.
Ne pas se tromper de cible dans la crise :
(1) instaurer des prix planchers négociés car la loi EGALIM fonctionne mal
- La colère actuelle découle d’un déficit structurel d’équité du système agro-alimentaire et du commerce mondialisé des matières premières agricoles. Egalim indiquait une bonne direction en tentant de sanctuariser les prix des matières premières agricoles. Mais la loi n’a pas assez d’effectivité et les prix agricoles se sont effondrés de 10% en un an pendant que les prix au consommateur augmentaient de 14%. Il faut garantir, dans la loi, un prix plancher pour les agriculteurs.
- Des prix plancher agricoles discutés collectivement et fixés annuellement permettraient d’internaliser dans le prix final des produits leur vrai coût social et environnemental et de l’expliquer au consommateur. Transparence sur les enjeux environnementaux, prix plancher, encadrement des marges là où ce sera nécessaire, ce texte pourrait être la grande loi de la législature.
(2) Déployer des normes volontaires pour un revenu équitable !
- Le « tout ou rien » en matière de normes est un débat délétère et dessert les agriculteurs. Quand la législation est impuissante, les cahiers des charges volontaires (certifications, labels…) sont un moyen efficace d’améliorer la qualité environnementale et sociale des produits agricoles. Pour restaurer un peu de justice économique au profit des maillons les plus fragiles, les « normes » volontaires de commerce équitable existent. Et elles ont fait leurs preuves.
- La filière lait démontre que les consommateurs suivent quand on leur propose l’équitable à prix accessible. Ces dernières années, de nombreux produits laitiers sont passés à l’équitable. Ils couvrent les coûts de production, sécurisent les agriculteurs et pèsent environ 127 millions d’euros de ventes en 2022, équivalent d’environ 98 millions de litres de lait de consommationi .
(3) Trois propositions concrètes de Max Havelaar France pour contribuer à la sortie de crise :
1- Elargissement de la certification Max Havelaar à de nouvelles filières françaises : lentilles, soja, avoine, … et nouveau logo pour les identifier
Max Havelaar a décidé d’ouvrir son label aux paysans français touchés par la précarité il y a 3 ans dans les filières lait et blé. Aujourd’hui, en réponse à la crise, l‘ONG décide d’aller plus loin en s’ouvrant plus largement aux filières végétales françaises : céréales (blé dur, avoine), protéagineux (lentilles, soja), oléagineux (colza), plantes à fibres (lin, chanvre). Max Havelaar France vise ainsi à sécuriser les prix et les débouchés sur un panel plus large de productions précieuses pour la diversification des sources de revenus. Les agriculteurs sont incités à produire des légumineuses pour des raisons écologiques et de souveraineté alimentaire, mais ils n’ont pas la certitude de pouvoir trouver des marchés rémunérateurs sur ces filières.
2- Changer l’échelle des achats publics équitables destinés aux cantines scolaires en fixant une cible loi Egalim de 20% en 2025 et via un encouragement fiscal
- La restauration collective publique s’est organisée depuis les lois EGALIM, elle est prête à accélérer, mais les efforts en faveur des producteurs doivent être mieux valorisés. Notamment la base de données publique Ma Cantine ne valorise pas la juste rémunération des agriculteurs, elle ne fait apparaitre que les produits bio, AOP, IGP. Sans indicateur, sans boussole, impossible de progresser !
- Les entreprises engagées offreuses de produits équitables pour la restauration collective ont d’ores et déjà développé des produits accessibles et du quotidien qui connaissent une large diffusion. Par exemple, les briquettes aromatisées et fromages frais Campagne de France ont été commandées par plusieurs dizaines de municipalités pour leurs écoles en 2023. « Depuis 6 ans, notre coopérative a développé son offre de produits valorisant les atouts du Cotentin : AOP, Bio, lait de pâturage et alimentation des vaches sans OGM. La certification commerce équitable avec Max Havelaar France a permis de faire rentrer ce dernier segment dans les critères Egalim, avec un prix satisfaisant pour tous » déclare Jean Tavernier, responsable RSE des Maitres Laitiers du Cotentin, coopérative française engagée, « La bonne réception en restauration collective des fromages frais et briquettes nous amène à commercialiser à présent des briques de lait 1 litre ».
" À la Caisse des Ecoles du 20ème arrondissement de Paris, nous croyons en une économie vertueuse qui récompense équitablement tous ceux qui y contribuent. C’est pourquoi nous avons introduit des produits issus du commerce équitable dans nos achats alimentaires, assurant ainsi que chaque producteur est justement rémunéré pour son travail. Nous avons pour priorité de soutenir ainsi les filières agricoles les plus fragiles en France, notamment les produits laitiers par un achat en commerce équitable nord-nord. Cette action est un pas vers un monde plus juste et durable. C'est une responsabilité pour les acheteurs publics que nous sommes", déclare Grégory Mèche, directeur de la caisse des Ecoles du 20ème arrondissement de Paris.
Propositions :
- Une cible de revenu équitable doit être ajoutée à la loi Egalim, par exemple 20% minimum fin 2025.
- La base de données publique « Ma Cantine » doit être modifiée pour valoriser ces efforts
- Un crédit d’impôt doit encourager les entreprises qui s’engagent à verser un prix équitable
3 - Lancement d’un laboratoire de solutions pour des « territoires juste rémunération », appel aux collectivités locales intéressées
- Max Havelaar étend son champ d’action et lance un laboratoire « territoire juste rémunération », destiné à inventer les solutions avec les collectivités volontaristes : diagnostics de revenus des producteurs, calcul de prix équitables, passation de marchés publics, implication des habitants et des consommateurs locaux, alliances locales…Les premiers ateliers auront lieu à Clermont Ferrand et Lyon.
- En effet, de plus en plus de collectivités locales se mobilisent pour soutenir « leurs » producteurs organisées en filières locales ou de circuits courts. Au Salon des Maires 2023, certaines ont été valorisées via la reconnaissance du réseau Fairtile, initiative pour une commande publique équitable.
- Demain, des produits régionaux solidaires emblématiques pourraient voir le jour, qui associeraient producteurs locaux justement rémunérés, acheteurs publics et privés de la région, consommateurs informés en transparence.
« A Lyon nous sommes concernés par la crise agricole. Capitale de la gastronomie, ce que nous mangeons, et la manière dont les agriculteurs et agricultrices vivent, nous préoccupe quotidiennement. La ville de Lyon a d’ores et déjà créé des commissions agricoles qui permettent de prendre en compte leur juste rémunération. Il nous faut aller plus loin ; aussi, nous sommes prêts à accueillir dans notre ville un grand débat citoyen sur les conditions de vie et de travail des paysans et des paysannes » déclare Grégory Doucet, Maire de Lyon.
« Depuis plusieurs années la ville travaille à la prise en compte de la juste rémunération dans ses achats alimentaires » indique Nicolas Bonnet, adjoint au maire de Clermont-Ferrand en charge de l’alimentation et de l’agriculture « nous serons heureux d’accueillir le laboratoire pour déployer plus de solutions pour les achats de notre agglomération. Il faut répondre et d’urgence ».